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le 14 juin 2019

Le présent texte retrace l'histoire de la grève du 14 juin 2019 dans le canton de Neuchâtel  en se basant sur rapport d'activités du Collectif neuchâtelois pour la grève féministe 2018-2019. Il a été rédigé par Solenn Ochsner à l'occasion de la participation du Collectif au prix de citoyenneté 2019 Neuchâtel. 

Il se compose des axes principaux suivants :

  • Présentation, origine et construction du collectif 

  • Comment cela a été possible, les différents groupes de travail, les collaborations

  • Les actions de sensibilisation avant la journée du 14.06.2019

  • La journée du 14.06.2019

  • Et maintenant, nos futures actions 


Présentation, origine et construction du collectif 

La richesse du collectif neuchâtelois pour la grève féministe de 2019 est de s’être articulé à différents niveaux :

 

1. A un niveau national en s’accordant avec les revendications des différents collectifs suisses votées lors des assises féministes nationales du 10 mars 2019 à Bienne.

En effet, à chaque séance du collectif romand ou national, une ou plusieurs représentantes du collectif cantonal neuchâtelois étaient présentes. Les relations peuvent être qualifiées de bonnes et suivies. Chaque séance de la coordination nationale pour la grève des femmes était traduite simultanément du français à l’allemand et vice-versa. Le but de ces rencontres était de donner l’occasion aux différents collectifs de se rencontrer et d’observer les différentes manières dont les collectifs cantonaux étaient organisés. L’organisation interne des collectifs dépendait notamment des différentes associations qui les habitaient et participaient aux collectifs locaux, ainsi qu’aux particularités régionales.

2. A un niveau cantonal en réunissant des femmes venant de toutes les régions du canton de Neuchâtel

De ce fait, alors que les premières assises féministes romandes, auxquelles une petite dizaine de féministes neuchâteloises ont participé, se sont déroulées le 2 juin 2018 à Lausanne, (issues de la Marche mondiale des femmes (MMF), de l’Association pour les droits des femmes (ADF), etc.), c’est le 3 juillet 2018 que s’est réuni pour la première fois le « collectif cantonal neuchâtelois pour grève des femmes 2019 » qui comptait une trentaine de personnes. La constitution de ce mouvement s’est mise en place de manière non-formelle. Les animations de séances comme les PV ont été assumés par rotation. Très rapidement des femmes d’horizons très divers, des très jeunes femmes comme des militantes féministes au long cours, des femmes ancrées dans différentes associations, partis politiques ou syndicats ou membres de rien du tout, ont élargi de séances en séances notre collectif cantonal. Ce dernier s’est réuni de nombreuses fois durant les séances dites « plénières », réunissant toutes les femmes du canton faisant partie du collectif, aux dates suivantes : les 3.7.2018, 6.8.2018 1.10.2018, 31.10.2018, 29.11.2018, 10.1.2019, 28.01.2019, 19.02.2019, 18.3.2019, 08.4.2019, 7.5.2019, 27.5.2019, 10.6.2019. Une séance « d’après 14 juin » a été organisée le 1er juillet 2019 afin de tirer un premier bilan de cette journée extraordinaire.

3. A un niveau beaucoup plus local dans le canton ce qui a permis à chacune des femmes de s’impliquer pour cet événement de la manière la plus proche de son quotidien tout en créant des liens forts avec les femmes de tout le canton.

Ainsi et au fur à mesure de l’approche du 14 juin, des séances se sont aussi organisées au niveau local comme les groupes de travail spécifiques à la ville de Neuchâtel, à la ville de la Chaux-de-Fonds, à la ville du Locle ainsi qu’au Val de Travers mais aussi au littoral Est et Ouest. Les travaux en comité situés localement ont permis d’avancer, de concrétiser les préparatifs ainsi que de faire une campagne de sensibilisation et de rencontre de la population plus ciblée, en tenant compte des spécificités locales.

 

Comment cela a été possible, les différents groupes de travail, collaborations

Pour que cette mobilisation prenne autant d’ampleur et amène autant d’acteurs et d’actrices de la société civile à travailler ensemble, se sont ajoutés des collectifs plus spécifiques ainsi que différents groupes de travail au sein du collectif cantonal neuchâtelois et notamment :

  • Un collectif des employé-e-s de l’OFS

  • Un collectif de l’administration cantonale

  • Un collectif des employé-e-s de l’administration du Locle

  • Un collectif des femmes socialistes et des citoyennes du littoral-est

  • Un collectif à l’Université

  • Un collectif à HES Arc

  • Un collectif dans chacun des trois lycées du canton

  • Un collectif d’hommes solidaires neuchâtelois

 

Afin d’organiser au mieux la coordination de toutes ces personnes et pour rendre cette journée de rassemblement cantonale mémorable et belle, différents groupes de travail se sont organisés en suivant les envies de chacune ce qui a permis à une vraie créativité d’émerger au fur et à mesure des préparatifs.

  • Groupe de travail théâtre

  • Groupe de travail pour la programmation artistique durant la journée du 14 juin

  • Groupe de travail communication

  • Groupe de travail enseignement (collaboration avec SEM)

  • Groupe de travail déco

  • Groupe de travail finances

  • Groupe de travail organisation d’un week-end de formation

Enfin, si ce mouvement a pris une telle ampleur dans le canton de Neuchâtel ainsi qu’au sein même de la ville de Neuchâtel, c’est grâce au travail de collaboration et de partage qui s’est mis en place entre le collectif neuchâtelois pour la grève féministe et un grand nombre d’acteur-rice-s associatif-ve-s comme par exemple l’association SEM (Succès, Egalité et Mixité) qui a travaillé main dans la main avec le groupe de travail enseignement du collectif, afin de mettre en place un vrai programme de sensibilisation sur l’égalité entre hommes et femmes dans les écoles en collaboration avec le SEO (service de l’enseignement obligatoire).

 

Ou encore le centre de rencontres et d’échanges interculturels « Récif » afin que ce mouvement ne concerne pas uniquement les femmes d’origine Suisse. Nous pensons aussi à « Stop Harcèlement » qui a notamment proposé une performance sur le harcèlement de rue durant la journée du 14.06.2019. L’ADF (association de défense des droits des femmes), la MMF (la marche mondiale des femmes) ainsi que Solidarité Femmes ont activement participé au sein même du collectif en partageant avec ce dernier leur savoir-faire et expertise en matière d’égalité et en créant ainsi une vraie solidarité entre les femmes plus âgées et les plus jeunes du collectif.

 

La Case-à-Chocs a aussi participé à ce mouvement en permettant au collectif d’utiliser ses locaux lors de l’organisation du week-end de sensibilisation des 13 et 14 avril ainsi qu’en nous permettant de faire des stands d’information durant les soirées dans la Grande Salle. Nous avons aussi travaillé en lien avec les syndicats Unia, SSP et Syna afin de faire des ponts entre le monde du travail et nos revendications.

 

Ce travail de fond a permis l’émergence de différents cahiers de revendications spécifiques à certains domaines d’activité et a donné la possibilité aux femmes qui travaillaient le 14.06.2019 et qui ne pouvaient se libérer de leurs obligations, de participer à ce mouvement égalitaire sur leur lieu de travail.

En bref, tout ce travail collaboratif a permis de créer des ponts entre les différent-e-s acteur-rice-s associatif-ve-s neuchâtelois-es, ce qui a renforcé la cohésion entre ces différents mouvements. Cela a aussi permis de toucher des personnes qui n’étaient pas d’emblée sensibilisées ou engagées dans les problématiques liées à l’égalité de s’investir dans ce mouvement en toute liberté et de la manière qui leur convenait le mieux.

 

Les actions de sensibilisation avant la journée du 14.06.2019

Le but du collectif neuchâtelois pour la grève féministe n’était pas seulement d’organiser la journée du 14.06.2019 mais aussi et surtout d’aller à la rencontre de la population neuchâteloise, femmes et hommes, afin de parler des inégalités entre hommes et femmes mais aussi d’écouter ces personnes à qui on ne donne pas toujours la parole et à qui on ne permet pas d’exprimer et de raconter leurs expériences. Si nous voulions dénoncer ces inégalités persistantes, nous voulions que chaque femme puisse le faire en fonction de ses propres raisons et sensibilités face à ce sujet. C’est pourquoi notre manifeste (en annexe) se voulait inclusif et non pas exclusif. Pour ce faire, nous avons organisé différentes actions à différents moments de l’année 2018 et de l’année 2019 et notamment :

- Le 25 novembre, une marche nocturne contre les violences faites aux femmes.

- Le 6 décembre, célébration de la Sainte-Nicole.

- Le 8 mars journée internationale de luttes pour les droits des femmes.

- Les 13 et 14 avril, week-end de sensibilisation et d’information à la grève.

- Le 1er mai à l’occasion de la fête des travailleurs et des travailleuses.

Le collectif a aussi été présent tous les samedis au centre-ville de Neuchâtel dès fin avril ainsi qu’au marché de La Chaux-de-Fonds avec des stands où les personnes intéressées pouvaient venir chercher de l’information, discuter et rencontrer du monde. Cela a permis de nouer des contacts incroyables avec la population. Chaque samedi les discussions devenaient plus intenses, plus enthousiastes et la distribution de matériel, badges, bracelets, T-shirts, journal tous-ménage, tracts des collectifs avec programme de chaque ville, mini bandes dessinées etc. était un vrai succès.

 

La journée du 14.06.2019

En ville de Neuchâtel, il a été décidé de mener la mobilisation, le jour de la grève, sur trois sites différents :

- Le matin et jusqu’à 16h30 au centre-ville derrière l’Hôtel de ville et le Temple du bas

- Dès 17h à la gare devant l’OFS d’où le cortège cantonal devait partir aux alentours des 18h30.

- Dès 19h30 à la place des Halles où était installée une scène pour les artistes.

 

Une halte-garderie pour les enfants a été organisée par les hommes solidaires dans le foyer du théâtre du concert, ce qui permettait aux femmes avec des enfants de se libérer de la garde un moment.

Le groupe de travail déco qui se réunissait depuis déjà plusieurs semaines tous les dimanches pour bricoler, s’est retrouvé durant la nuit du 13 au 14 juin et très tôt le matin pour décorer toute la ville, ce qui a permis à la population neuchâteloise de se lever en couleur et de profiter des espaces décorés en violet.

La musique, la lecture des revendications égalitaires et les rassemblements festifs ont animé toute la journée du 14.06.2019 dans les villes de Neuchâtel, de la Chaux-de-Fonds, du Locle et de Fleurier jusqu’aux alentours des 16h30.

Mais le plus important est que cette journée a été un moment de rencontres, de revendications et d’échanges en des moments spécifiques (11h00 : lecture dans toute la Suisse du manifeste féministe ; 15h24 : les femmes sont appelées à quitter leur travail) durant lesquels nous nous réunissions autour de chants collectifs, de performances et de nos revendications féministes. Toute cette journée a été teintée de créativité, au travers de déguisements, de décorations, de chants. Un grand nombre de musicien-ne-s sont venus jouer volontairement. La manifestation cantonale a rassemblé 12'000 personnes venues des quatre coins du canton : une mobilisation sociale historique, car jamais vue à Neuchâtel. Femmes, familles, enfants, jeunes et moins jeunes, de toutes nationalités, générations et statuts confondus ont défilé ensemble, en chantant, criant et riant. Une manifestation féministe d’une ampleur qui a surpris tout le monde.

Le rassemblement cantonal de toutes les femmes, les hommes solidaires et des associations a débuté à 17h à la gare de Neuchâtel devant l’OFS, d’où est parti le défilé cantonal. Un cortège long et bigarré s’est mis en route, compact, créatif, gai, multiculturel et intergénérationnel pour arriver à la place des Halles. Ce moment de rassemblement et de partage en a ému plus d’une et a permis de montrer combien les thématiques liées à l’égalité tiennent à cœur aux Neuchâtelois-es.

Et maintenant, nos futures actions 

Partout en Suisse, les collectifs ont fait une expérience de même nature. Partout la diversité du mouvement, sa détermination et sa créativité ont donné aux femmes la force, le courage et l’envie de continuer : « On ne lâche rien ! ». La coordination nationale du 24 août a tiré, à Grenchen, un bilan enthousiaste et a adopté un agenda politique, que nous avons aussi repris et adapté au canton de Neuchâtel lors d’une assemblée plénière qui s’est tenue à La Chaux-de-Fonds le 5 octobre :

- 21 octobre 2019, journée nationale d’action pour l’égalité salariale.

- 23 novembre 2019, manifestation nocturne contre les violences faites aux femmes.

- 2 février 2020, organisation d’un évènement thématique : « 6 heures pour le changement ! Nos revendications féministes : justice sociale et environnementale ».

- 8 mars 2020, journée de grève et d’actions pour défendre nos revendications en solidarité avec les femmes du monde entier.

- 15 mai 2020, participation écoféministe à la grève du climat.

- 14 juin 2020, nouvelle journée de grève et d’actions féministes.

A l’université et au niveau des lycées neuchâtelois, la mobilisation féministe est toujours aussi vive : au Lycée Denis-de-Rougemont, professeur-e-s et élèves ont monté à la fin de l’été une exposition commémorative sur la grève éclair du 14 juin 2019 dans les deux bâtiments, avec divers articles et les cartes postales qui illustrent les divers points du manifeste suspendues à des fils. Une commission „égalité“ formée de professeur-e-s (avec l’idée d’intégrer aussi des élèves) s’est formée dans les deux lycées de Neuchâtel.

Les 8 mars et 14 juin 2020 tombent sur un dimanche. Une belle occasion pour inventer de nouvelles actions et faire la grève du ménage ! Deux dimanches sans travail, comme dans un passé pas si lointain ! Une chose est sûre : dans le canton de Neuchâtel comme dans le reste de la Suisse, les revendications féministes restent à l’ordre du jour.

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